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SPORT INTERNATIONAL ET TOURISME – Le cyclisme dans les pays du golfe Persique : Une belle affiche publicitaire

Les épreuves cyclistes dans les pays du Golfe font partie du calendrier mondial depuis une décennie. Si le Qatar s’est servi de la « petite reine » pour faire du « soft power », l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Oman espèrent, eux, des retombées médiatiques pour faire venir des touristes assez fortunés.

Par Larbi I. (rfi.fr)

Cette- fois, on peut le dire sans risque de se tromper : les Bédouins sont véritablement sortis de leurs tentes pour investir d’autres lieux que le désert immense de leurs contrées.

Pour la première fois, au Moyen-Orient, une épreuve du circuit World Tour féminin débarque pour quatre jours (du 9 au 12 février). Aux Émirats arabes unis, les filles font le « show », sous le soleil de plomb du golfe Persique. Un coup de force médiatique, dans une région où la place de la femme est encore largement critiquée. « En étant ici, c’est un message fort que l’on veut envoyer à notre sport, que les femmes peuvent courir partout », a balayé mercredi 8 février lors de la conférence de presse d’avant-course l’Italienne Elisa Longo Borghini (Trek-Segafredo). Cette épreuve rappelle le Tour du Qatar féminin, course précurseure dans le genre au Moyen-Orient entre 2009 et 2016, à une époque où le label World Tour n’existait pas encore chez les filles.

La trilogie des courses par étapes dans la péninsule

Il faut dire que les épreuves cyclistes dans les pays du Golfe font partie du calendrier mondial depuis un moment. Ce sport a été choisi pour faire du « soft power » par le Qatar en 2002, au moment où le petit émirat décidait de créer son tour national. L’édition 2017, qui devait rejoindre le calendrier World Tour a été annulée par les organisateurs. Depuis, la course n’existe plus. Mais le Qatar était parvenu à organiser les Mondiaux de cyclisme en octobre 2016, pour la première fois dans un pays arabe.

Petit retour en arrière

En 2006, le Qatar devait organiser les Jeux asiatiques. Hamad ben Khalifa al-Thani, alors émir de ce petit pays qui a fait sa fortune grâce au gaz, se demande s’il y a des épreuves de cyclisme au calendrier. On lui confirme que oui, et il se rapproche d’Eddy Merckx, icône du cyclisme belge, qui le met en contact avec Amaury Sport Organisation (ASO), qui possède entre autres le Tour de France. ASO l’invite sur une étape de la Grande Boucle et l’émir se met en tête de créer un Tour du Qatar, que ASO va s’empresser d’organiser. « Ces pouvoirs ne regardent pas vraiment combien ça coûte et ASO cherchait de nouveaux marchés, cela tombait bien », explique à RFI Raphaël Le Magoariec, géopolitologue, spécialiste des pays du Golfe et du sport.

Aujourd’hui, le cyclisme fait partie du paysage en début de saison, quand la chaleur est encore clémente. Le Saudi Tour (Tour d’Arabie saoudite) a ouvert le 4 février le bal des courses par étapes dans la péninsule Persique qui se poursuivra par le Tour d’Oman et l’UAE Tour aux Émirats arabes unis chez les hommes.

Des dromadaires, du sable et peu de public

« C’est super sympa de faire une ou deux courses par an comme ça, sans le stress des épreuves en Europe. Attention, ce ne sont pas des vacances, mais c’est une sacrée expérience », a commenté lors du Saudi Tour l’Autrichien Felix Grossschartner, un des nouveaux lieutenants de Tadej Pogacar dans l’équipe UAE. Les coureurs ont été logés comme tout le monde dans un lodge de luxe allant jusqu’à 1 000 euros la nuit, aux frais du pays hôte.

Organisé dans la région d’Al-Ula, dédale spectaculaire de canyons et de pitons rocheux au nord-ouest du pays, le Saudi Tour a profité de l’occasion pour montrer des sites archéologiques classés au patrimoine mondial de l’Unesco comme Hégra, le « Pétra saoudien », avec des dromadaires qui gambadent, beaucoup de sable et très peu de public. La monarchie pétrolière a ouvert ses frontières aux visiteurs étrangers depuis quatre ans seulement, et l’idée est de développer dans la région, stratégiquement placée sur l’ancienne route de l’encens, un tourisme haut de gamme. L’Arabie saoudite souhaite pour cela confier le développement de ce site à la France.

« La volonté conjointe de l’Arabie saoudite et de la France est de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement économique et touristique, centré sur la préservation absolue de l’environnement, respectueux de l’histoire, des territoires et de la population locale, au service d’une expérience touristique authentique, fidèle à l’hospitalité du monde arabe », écrit Gérard Mestrallet, président exécutif de L’Agence française pour le développement d’Al-Ula.

De gros sponsors locaux pour trois équipes World Tour

Dans cette région au riche patrimoine archéologique encore largement inexploré, la Royal Commission for Al-Ula (RCU), créée en 2017, compte proposer bientôt des séjours pour cyclistes amateurs pendant la haute saison, entre octobre et mars, avant la fournaise de l’été. Ce projet fait partie du pharaonique plan de développement « Vision 2030 » lancé par le prince héritier Mohammed ben Salman, qui prévoit d’investir entre 50 et 100 milliards de dollars dans tout le pays.

« À l’exception du Qatar qui cherchait le « soft power » par le sport, les autres veulent avant tout montrer la beauté de leur pays. Ils investissent dans des multitudes d’évènements sportifs sans objectif particulier. On ne connaît pas vraiment les chiffres d’audience. L’Arabie saoudite se sert du cyclisme pour le développement du tourisme », indique Raphaël Le Magoariec. « Oman cherchait une publicité pour son tourisme et a aussi vu dans le cyclisme un bon vecteur. ASO les avait invités sur une étape au Qatar et Oman s’est lancé dans l’aventure en 2010 », précise-t-il. Le Britannique Chris Froome, et l’Italien Vincenzo Nibali, ont inscrit leur nom au palmarès de l’épreuve omanaise. Pour la toute première fois, le Tour d’Oman comptera la présence de son équipe nationale.

Outre les courses, trois des 18 équipes du World Tour ont désormais un pays du Golfe comme partenaire majeur : la puissante Team UAE de Tadej Pogacar, double vainqueur du Tour, Bahrain-Victorious, et… Al-Ula qui a porté son investissement à hauteur de sept millions de dollars par an pour devenir un des sponsors principaux de l’équipe australienne Jayco (ex-BikeExchange). « C’est une stratégie de légitimation auprès des instances mondiales du cyclisme », avance Raphaël Le Magoariec.

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