Omnisport

Golden Globe Race : Kirsten Neuschäfer, première femme à remporter une course autour du monde en solitaire

La navigatrice sud-africaine a bouclé jeudi cette course disputée « à l’ancienne », sans assistance ni moyens technologiques, après huit mois en mer

Héroïque. N’ayons pas peur des mots, Kirsten Neuschafer a réalisé un véritable exploit en remportant jeudi soir la Golden Globe Race, une course autour du monde en solitaire. Plus encore que le fait de devenir la première femme à s’imposer sur ce format, la simple description de ce qu’est cette course suffit à mesurer la grandeur de ce qu’a accompli la navigatrice sud-africaine : un tour du globe seule, sans escale, sans assistance et sans moyens technologiques, obligeant à naviguer « à l’ancienne », au sextant, à la table à carte ou à la boussole, le tout sans téléphone et donc sans nouvelles de ses proches. Probablement l’une des épreuves les plus dures du sport, en tout cas la plus longue.

Partie le 4 septembre dernier, Kirsten Neuschäfer aura passé près de huit mois en mer, à bord d’un petit monocoque vieux de 35 ans baptisé Minnehaha, qui a résisté à toutes les tempêtes. 233 jours loin de tout, livrée à elle-même, jusqu’à la ligne d’arrivée aux Sables-d’Olonne. La fête sur les coups de 21h43 a été belle, avec des applaudissements à n’en plus finir et le craquage d’un bon paquet de fumigènes pour saluer la skippeur. Et la présence de sa maman, qui n’aurait raté ce moment pour rien au monde.

« C’était la personne que je voulais vraiment voir le plus en arrivant, à qui j’ai pensé le plus, surtout à la fin, a lancé la Sud-Africaine de 41 ans, très émue, quelques minutes après avoir posé le pied à terre. Je suis pleine de joie, à voir tout le monde ici, cette ambiance extraordinaire, je passe un moment qui n’arrive qu’une fois dans une vie. Si j’ai tenu, c’est grâce à vous tous, merci. J’étais en solitaire pendant tous ces mois mais je savais que du monde rêvait avec moi, était là par la pensée, ça fait toute la différence dans les moments difficiles. »

Car il y en a eu, évidemment. La pétole dans le pot au noir, quand vous avez l’impression que vous le vent se viendra jamais que vous allez passer le reste de votre vie coincé au milieu de l’océan, les mers du sud démontées, et la peur de perdre un collègue et ami, aussi. Dans l’Atlantique, elle s’est déroutée pour aller secourir le Finlandais Tapio Lehtinen, à la dérive dans son canot de survie après que son bateau a coulé. « C’est extrêmement difficile de trouver un radeau de sauvetage en mer quand ça bouge. Je ne voyais rien, a-t-elle raconté ce vendredi matin, après une nuit de sommeil passée… sur son bateau. Il y avait 15 à 20 nœuds de vent, de la houle, des gros creux. J’ai essayé de m’approcher le plus possible de son canot, et on a fini par y arriver. »

Un bateau affrété par l’organisation a ensuite récupéré le malheureux marin, puis Kirsten a continué sa route, une journée suivant une autre, jamais tout à fait pareille, même si une certaine routine se devait d’être respectée : levé aux aurores, petit café, tour du propriétaire pour vérifier qu’il n’y a rien à réparer, puis réglage des appareils de navigation pour tenter d’évaluer où les heures suivantes la mèneront. « Et puis dormir un peu aussi, quand on peut, car on ne sait jamais ce que la nuit suivante réservera », décrit la navigatrice.

Sauts dans l’eau, lecture et visites d’oiseaux

Evidemment, esseulée pendant tout ce temps, elle a dû aller chercher au fond d’elle-même les ressources pour ne pas craquer. Ses secrets ? Parfois un petit saut dans l’eau pour nager, « une manière de faire le vide, de m’éloigner un peu de la course », dit-elle. Et puis la lecture, notamment de livres de fiction historiques, ses préférés, et puis le bouquin du vainqueur de l’édition précédente (2019), le Français Jean-Luc Van Den Heede, « petit plaisir » qu’elle a gardé pour la dernière ligne droite, après le passage de Rio de la Plata (l’estuaire à la frontière entre l’Argentine et l’Uruguay).

La navigatrice a pu également profiter de ces moments suspendus, quand il n’y a rien d’autre à faire qu’admirer la nature environnante. « Le plus spécial, c’est quand j’ai passé Le Cap (Afrique du Sud), j’étais un peu à la dérive mais je me suis dit « c’est pas grave, regarde autour de toi ». Il y avait des baleines, des dauphins, des phoques. C’était magnifique. » Les quelques oiseaux qui lui ont rendu visite sur son bateau garderont une place à part également. Ça faisait toujours quelques êtres vivants avec qui discuter un peu.

Voilà donc Kirsten Neuschäfer, au terme de l’aventure d’une vie, au panthéon des grandes navigatrices de l’histoire aux côtés de Florence Arthaud, Isabelle Autissier, Ellen MacArthur ou encore Catherine Chabaud, première femme à boucler un tour du monde à la voile en solitaire lors du Vendée Globe 1996 et venue aux Sables pour l’accueillir. Sur les 16 partants, seuls deux autres marins – l’Indien Abhilash Tomy et l’Autrichien Michael Guggenberger – sont encore en lice, attendus dans les prochains jours. Un quatrième, le Britannique Simon Curwen, a déjà franchi la ligne, mais hors course après avoir été contraint d’effectuer une escale au Chili pour réparer une avarie.

Kirsten Neuschäfer va maintenant rentrer chez elle, voir sa famille et ses chiens que lui ont tant manqués. Elle prévoit déjà un petit périple sur la côte sauvage non loin de Port Elizabeth, qu’elle définit comme son « petit coin de paradis ». Seule, mais avec les pieds bien sur terre, cette fois.

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