Quelles conséquences pour KTM dans le MotoGP ?
Dettes, motos invendues et coupes budgétaires
La situation de la marque autrichienne KTM est alarmante. Un plan de restructuration est en cours de préparation, mais son impact sur le secteur de la compétition reste incertain. Les premiers effets pourraient se faire sentir dès 2025.
Il règne un climat inquiétant chez KTM. En proie à une grave crise financière, l’entreprise fait face à une dette qui dépasse aujourd’hui les 250 millions d’euros, tandis que les pertes prévues pour 2024 devraient dépasser 900 millions d’euros. La valeur boursière de l’entreprise a chuté de 90 %, obligeant KTM, basée à Mattighofen, à envisager des changements radicaux dans tous les domaines : stratégie, management, technique, administration, et potentiellement la compétition. À cela s’ajoute une surproduction atteignant un millier de motos par jour, avec d’importants stocks invendus qui s’entassent dans les entrepôts.
Réduction des coûts : priorité absolue
L’objectif principal est désormais une réduction drastique et immédiate des coûts, quitte à suspendre la production en Autriche. Des rumeurs persistantes évoquent même une incertitude quant à la continuité de l’engagement en MotoGP à partir de 2025. Certains n’excluent pas un retrait temporaire.
Pour éviter le pire, et notamment une faillite, KTM a déposé le 29 novembre dernier auprès du tribunal de Ried im Innkreis, en Haute-Autriche, un plan de restructuration impliquant trois de ses filiales. Bien que ces trois entités ne soient pas directement liées à la compétition, les crises financières de ce type finissent souvent par impacter aussi le secteur racing, qui subit généralement les premières coupes budgétaires majeures. À ce stade, les interrogations restent nombreuses.
Endettement massif et restructuration
« Nous faisons face à l’un des plus grands défis de notre histoire », a déclaré Stefan Pierer, PDG du groupe KTM. « Mais nous sommes déterminés à transformer cette crise en une opportunité pour bâtir un avenir plus solide pour KTM. » Il y a à peine un an, KTM célébrait des résultats record et affichait des prévisions prometteuses. Depuis, la situation s’est effondrée : le groupe accumule 3 milliards d’euros de dettes, avec un besoin immédiat de 500 millions d’euros pour rétablir sa trésorerie. En jeu, plus de 3 600 emplois, dont 500 suppressions prévues d’ici la fin de l’année. Le plan de restructuration prévoit une réduction progressive des stocks pour aligner la production sur la demande, tout en limitant les coûts d’exploitation. Les économies à réaliser dans les sites autrichiens devraient dépasser 1 milliard d’euros entre 2025 et 2026. Parmi les mesures envisagées : des dépréciations d’actifs, une profonde révision des coûts fixes, et une réduction significative des effectifs. À partir de janvier et février 2025, la production en Autriche sera suspendue, mais les opérations se poursuivront en Inde et en Chine grâce au partenariat avec Bajaj.
Un avenir incertain mais plein de promesses
Stefan Pierer et le co-directeur général, Gottfried Neumeister, arrivé en septembre, affichent un optimisme prudent. « La passion de nos employés est notre principal atout. Avec cet état d’esprit, nous sommes convaincus de pouvoir recommencer à produire des motos innovantes et performantes. » Les projets futurs incluent le développement de motos électriques hautes performances et l’intégration de technologies numériques avancées pour améliorer l’expérience de conduite. « Nous voulons transformer cette crise en opportunité et redéfinir les standards du secteur », a ajouté Pierer. KTM s’efforce ainsi de se repositionner sur le marché de manière plus durable et compétitive. Dans un communiqué publié le 27 novembre, KTM a tenu à rassurer ses clients : « Pour nos clients, rien ne changera. Nous garantissons la continuité des livraisons de motos, pièces détachées et accessoires, sans perturbation. »
Compétition : rester ou partir ?
La restructuration actuelle de KTM, visant à aligner l’entreprise sur la demande mondiale, soulève inévitablement des questions sur son avenir en MotoGP. Officiellement, la direction affirme que l’engagement en MotoGP n’est pas menacé. Cependant, des doutes subsistent quant aux investissements nécessaires pour garder la RC16 compétitive face à des rivales comme Ducati. Le financement principal du programme MotoGP de KTM repose sur Red Bull, et les budgets de production et de compétition restent distincts. Toutefois, les coupes dans les départements de recherche et développement, souvent liés à la compétition, inquiètent. Lors des derniers tests à Barcelone, la nouvelle RC16 a donné des impressions positives, et les pilotes KTM – Pedro Acosta, Enea Bastianini, Brad Binder et Maverick Viñales – n’ont pas modifié leurs ambitions pour 2025, visant des performances de haut niveau. Si la compétition reste un moteur puissant pour les marques, l’histoire a montré que pour des entreprises en crise, elle peut devenir un fardeau insoutenable. Le futur de KTM en MotoGP dépendra de sa capacité à surmonter cette crise. Le défi commence dès aujourd’hui.
Amayas LAAZIB