Omnisport

Larfaoui, l’Algérien aux cinq mandats à la tête de la FINA

(2e partie et fin)

Dans cette seconde partie de l’entretien, Mustapha Larfaoui, l’Algérien aux cinq mandats à la tête de la Fédération Internationale de Natation (FINA) aborde son retrait du poste de président et sa relation avec le sport algérien.

Entretien réalisé par M.B

Q : Nous voici arrivés en 2009, synonyme de la fin de votre cinquième mandat. Comment les membres du Congrès ont-ils réagi à votre décision de vous retirer du poste de Président ?
R : Leur première réaction, à laquelle je m’attendais, a été de me « forcer » à briguer un sixième mandat. Mais face à mon insistance et à mon souhait de donner un nouvel élan à la direction de la FINA, les membres du Congrès ont pris acte de mon retrait du poste de Président à contrecœur. Cependant, à l’initiative de plusieurs membres de la FINA, en reconnaissance de tout ce que j’avais apporté à cette instance internationale, il a été décidé de me créer le poste honorifique de Président d’Honneur à vie tout en conservant la qualité de membre exécutif, sans droit de vote. Malheureusement, le président actuel de la FINA, un Koweïtien du nom de Husain Al-Musallam, que j’avais aidé à accéder aux plus hautes fonctions de la FINA, a décidé de supprimer de son propre chef le poste de président à vie. J’ai récemment adressé une lettre à Husain Al-Musallam exprimant mes vives contestations.

Q : Vous avez vécu 51 ans en tant que dirigeant sportif et avez certainement rencontré les plus grands de ce monde. Pouvez-vous nous citer quelques noms ?
R : En effet, j’ai eu l’honneur et le privilège de rencontrer la famille royale de Grande-Bretagne et la Reine Elizabeth en 2012, lors des Jeux Olympiques de Londres. J’ai également rencontré le Roi du Koweït, ainsi que les Présidents : russe Vladimir Poutine, américain Georges Bush et français Chirac, pour n’en citer que quelques-uns.

Q : Au cours de votre riche carrière, avez-vous raté un rendez-vous important ? Si oui, lequel ?
R : Lors de l’élection du président de l’Union des Confédérations Sportives Africaines (UCSA), nous étions deux candidats algériens face à un Égyptien. J’ai demandé à mon compatriote, dont je préfère taire le nom, de se retirer, sachant que l’Égyptien m’avait assuré qu’il ôterait la sienne si c’était moi qui me présentais. Malheureusement, l’autre postulant algérien n’était pas d’accord avec cette proposition et avait absolument tenu à se présenter contre l’Égyptien. Finalement, c’est c’est ce dernier qui a remporté la présidence de l’UCSA. L’Algérie avait perdu à ce moment là une autre opportunité de diriger une très Haute autorité du sport africain.

Q : Dans votre riche parcours est ce qu’il y a une décision ou une action que vous avez regrettée plus tard ou que vous auriez peut-être faire autrement ?
R : Non, pratiquement tout ce que j’avais en tête comme programme de développement a été exécuté. D’où ma décision en 2009 de me retirer du poste de président de la FINA. Au point où j’ai laissé l’organisation et le management de la FINA mon souhait est de conserver ce qui a été déjà accompli. J’ai quitté la tête de la FINA avec une grande satisfaction de ce qui a été réalisé.

Q: Quelle est votre vision pour l’avenir de la natation mondiale ?
R: Ma vision pour l’avenir de la natation mondiale repose sur trois piliers principaux : le développement, la promotion et la gouvernance. Tout d’abord, je crois fermement en la nécessité de continuer à développer la natation dans tous les pays, en particulier dans les régions où elle est moins répandue. Cela implique d’investir dans les infrastructures, de former des entraîneurs qualifiés et d’offrir des opportunités aux jeunes talents. Ensuite, il est essentiel de promouvoir la natation en tant que sport attractif et accessible à tous. Cela peut être réalisé grâce à des campagnes de sensibilisation, à la diffusion médiatique des compétitions et à la création d’événements innovants. Enfin, la gouvernance de la natation mondiale doit être transparente, démocratique et axée sur l’intérêt des athlètes et des fédérations nationales. Il est important de veiller à ce que les décisions prises au niveau international reflètent les besoins et les aspirations de la communauté de la natation.

‘’Larfaoui et sa relation avec le sport algérien : « Nul n’est prophète en son pays »’’
Q : Quel est votre regard actuel sur le sport algérien ?
R : l’Algérie renferme des potentialités humaines extraordinaires et je mesure ce mot à sa juste valeur. Malheureusement, on ne va pas chercher ces potentialités. La détection qui se faisait avant en milieu scolaire et universitaire ne se fait plus. Je considère ceci comme une erreur monumentale. On continue à travailler sans programmes de détection et de développement. Il faut inverser la tendance qui oblige l’athlète à aller vers les fédérations alors que c’est à celles- ci de chercher les pépites qui existent un peu partout sur le sol national. Prenez l’exemple de la région du Grand Sud Algérien, nous avons des jeunes de grande taille et très résistants à l’effort, pourquoi ne pas créer par exemple des pôles de développement dans certaines disciplines dans cette région ? Par ailleurs, la gestion des fédérations de l’omnisport en particulier dans son chapitre budget doit prendre en considération son utilité publique et son intérêt général. Il faut donner plus de moyens aux fédérations porteuses de résultats et de formation. Je citerai pêle-mêle, l’athlétisme, le volleyball, le handball, la boxe, la lutte, le karaté, le judo et j’en passe …

Q : et sur le sport féminin ?
R : c’est le même constat que j’établis à cette importante composante de la population algérienne. Par exemple, l’Algérie avait enfanté une génération de très grandes volleyeuses qui avait permis de constituer un six national dont le parcours dans les années 2000 les a conduite aux JO de Londres. Une première pour une équipe féminine en Algérie ! Ceci sans omettre les merveilles exploits de Hassiba Boulmerka, Benida Merah et j’en passe …

Q : Votre réponse me conduit à vous demander, faut-il revoir les procédures afférentes aux élections des présidents et des bureaux exécutifs des fédérations algériennes ?
R : Quand on a la prétention de se présenter au poste de président ou de membre du bureau exécutif dans n’importe quelle instance sportive nationale, il faut justifier au moins d’un bon niveau universitaire, d’une expérience dans la discipline et présenter un programme de développement ambitieux.

Q : Il y a de cela quelques années cinq fédération nationales avait maille à partir avec les instances internationales, êtes-vous intervenu directement ou indirectement ?
R : Je n’ai aucune idée de ce problème que ce soit du côté des instances internationales ou du côté nationales. Je regrette que mon pays l’Algérie n’ait pas pu bénéficier de mon expérience et de mes relations à l’international à quelques rares exceptions mais toujours dans la plus totale discrétion. Come dit l’adage : « Nul n’est prophète en son pays »

Q: Quel est votre avis sur l’importance de la communication sportive et du rôle des médias ?
R: Je considère la communication sportive et le rôle des médias comme des éléments essentiels dans la promotion du sport. Les médias ont le pouvoir de mettre en valeur les exploits des athlètes, de susciter l’intérêt du public et de créer une véritable passion autour du sport. Ils jouent un rôle crucial dans la diffusion des informations, des résultats et des histoires inspirantes liées au monde sportif. Il est important de donner une place de choix aux jeunes talents et aux sports moins médiatisés. La presse a un rôle primordial à jouer dans la vulgarisation de toutes les disciplines sportives, en mettant en avant les athlètes de toutes les catégories, en particulier les jeunes. Elle a également un rôle crucial dans la promotion du sport féminin, en encourageant les filles à pratiquer une activité sportive et en luttant contre les stéréotypes de genre. Je suis convaincu que la visibilité médiatique est un facteur clé pour la motivation et le développement des athlètes. Lorsqu’un athlète voit sa photo en première page d’un journal ou que son exploit est relayé par les médias, cela peut être un véritable stimulant pour sa carrière. Les médias ont donc une responsabilité importante dans la mise en avant des performances sportives, la création de modèles à suivre et la valorisation des réussites des sportifs.

Q: Les Jeux arabes organisés en Algérie viennent de se conclure. Avez-vous un commentaire à ce sujet ?
R: Je préfère m’abstenir de commenter cet événement, car je n’ai pas été impliqué dans l’organisation des Jeux Arabes et je n’ai pas été associé à des rencontres officielles à cette occasion. Toutefois, je tiens à souligner l’importance de la coopération et de la participation aux événements sportifs internationaux pour favoriser le développement du sport. Il est essentiel de se rapprocher des fédérations internationales et de participer activement aux programmes et aux compétitions internationales pour progresser et établir des liens solides avec d’autres pays. La voie du progrès consiste à travailler par étapes, en commençant par des compétitions régionales et continentales, pour finalement s’inscrire dans une dynamique internationale.

Q: Quels sont vos projets futurs dans le domaine du sport ?
R: Bien que j’aie pris ma retraite en tant que dirigeant sportif, je reste passionné par le sport et je suis ouvert à de nouvelles opportunités de partager mon expérience et mes connaissances. J’ai déjà été sollicité pour animer des conférences et des séminaires sur mon parcours en tant que dirigeant sportif, et je suis prêt à continuer à le faire pour inspirer et motiver la jeune génération. Je suis convaincu que le partage d’expériences et la transmission de savoirs sont essentiels pour le développement du sport et des futurs leaders sportifs. Je reste également disponible pour apporter mon soutien et mes conseils aux fédérations sportives, aux entraîneurs et aux athlètes qui pourraient bénéficier de mon expertise.
En conclusion, je tiens à exprimer mes sincères remerciements à la Direction du journal Planète-Sport pour m’avoir offert cette opportunité de partager mon parcours. Je souhaite longue vie à votre journal et je vous adresse mes meilleurs vœux. Comme on dit dans le fameux « Douaa » algérien, je vous souhaite « Saha Oulhana » (bonne santé et longue vie).

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