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Roland-Garros 2023 : Pourquoi Rafael Nadal va tant manquer ?

Dans trois jours, Roland-Garros s’élancera. Sans son tenant du titre, son monarque absolu, vainqueur à 14 reprises, statistique délirante défiant l’entendement sportif. Mais l’absence de Rafael Nadal laissera dans cette quinzaine un vide d’une autre nature, celle d’un personnage unique et fascinant, dont l’animalité sur le court ne trouve aucune comparaison.

La dernière fois que Roland-Garros s’est tenu sans Rafael Nadal, Novak Djokovic n’était encore qu’un adolescent, Carlos Alcaraz traînait à quatre pattes dans ses couches, Roger Federer ne comptait encore que deux titres du Grand Chelem à son actif et le monde n’avait pas encore plongé dans l’ère du téléphone dit intelligent et encore moins dans celui des réseaux sociaux. C’était en 2004, c’était une autre époque, un autre monde. Un autre tennis aussi, une autre terre battue, surtout, puisque ce n’était pas encore celle de Rafael Nadal. Ce règne-là allait débuter un an plus tard. Parce qu’il n’y a jamais eu un champion aussi dominateur sur une surface et un joueur aussi constant dans sa suprématie sur un tournoi, l’absence de Nadal porte d’Auteuil cette année constitue un évènement pas comme les autres. Qui d’autre a eu de son vivant de champion et pas seulement d’homme sa propre statue dans un stade ? Le vide qu’il laisse à Roland-Garros n’est comparable à aucun autre, en grande partie parce que personne n’avait jamais remporté 14 fois un tournoi, encore moins en Grand Chelem, en l’espace de 18 éditions. Oui, cela va faire « bizarre » de vivre cette édition 2023 sans lui.

Mais ce n’est pas qu’une affaire de statistiques ou de palmarès. Pas sûr d’ailleurs que ce soit l’essentiel. La pire conséquence de son forfait ? L’absence de sa présence. C’est d’abord cela (difficile de se résoudre à utiliser le passé), Nadal. Il a fait évoluer son jeu comme personne au fil des années. Le Nadal vainqueur en 2005 n’est qu’un cousin éloigné de celui qui a triomphé pour la 14e fois en 2022. En revanche, ce qu’il dégageait était déjà bel et bien présent, presque palpable dès ses premiers pas. Si l’on devait manier une métaphore littéraire, il ne serait pas un auteur qui écrit à l’os. Sa littérature à lui est de l’ordre du ressenti. Elle est charnelle, énergique, physique. C’est du tennis engagé. Des sensations, générées par le geste et, souvent, par sa seule présence. A ce niveau de performance, tous sont des compétiteurs monstrueux. Des guerriers, même. Federer, en dépit d’un langage corporel relativement neutre, l’était, prêt à ne pas lâcher le moindre point. Mais chez Nadal, la forme épouse le fond dans parfaite osmose. Ce qu’il est et ce qu’il fait. Ce qu’il fait EST CE qu’il est. En découle une certaine animalité brute de décoffrage que l’on ne retrouve chez aucun de ses collègues.

Cela peut plaire ou non, mais ce qui transpire de Nadal sur terre battue et plus encore dans son temple parisien ne peut laisser indifférent. Pour ma part, Nadal, à ses débuts au moins, m’a davantage fasciné qu’il ne m’a plu. Je n’étais pas tout à fait certain d’aimer ce tennis, donc ce joueur, mais je l’étais en revanche de ne jamais avoir rien vu d’approchant. Nadal, ce n’était pas mieux, même si cela finira par le devenir sur bien des aspects. Nadal, c’était surtout différent. Il y a quelques années, une série de photos-montages plutôt amusantes avait comparé Nadal à un capybara, ce gros rongeur des contrées sud-américaines. Mais sur le court, il s’apparente plutôt à un prédateur, flairant constamment l’odeur du sang dégagé par sa proie. Il y a quelque chose d’impitoyable qui tranche avec le jeune homme dans toute sa normalité, le plus souvent adorable. Les deux manqueront porte d’Auteuil. Dans les livres d’histoire, subsisteront éternellement ces 14 lignes, témoignages d’une domination inédite par son ampleur et sa durée. Mais tous ceux qui en auront été les témoins garderont en mémoire l’image et plus encore la sensation de ce que dégageait Rafael Nadal sur le court. C’est la différence entre la destination et le chemin. Chez lui, le second est indissociable de la première. Il la surpasse, même. Il la transcende. Au palmarès, le trou laissé par le Majorquin sera comblé. Dès cette année, puis dans le futur. Mais le corps et la chair de son tennis ne sont pas près d’être remplacés.

Eurosport.fr

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