Un pas important de Nadal vers son dernier Roland-Garros
En reprenant la compétition à Barcelone, où il s’est incliné au 2e tour face à Alex de Minaur (7-5, 6-1), Rafael Nadal a pu enfin se jauger tennistiquement. S’il a affiché de vraies limites, peut-il espérer monter en puissance ? L’essentiel est ailleurs : la préparation de son ultime effort est officiellement lancée et l’espoir d’une dernière participation à Roland-Garros en est renforcé.
Il a refoulé sa terre battue fétiche et le monde du tennis a retenu son souffle. En jouant deux matches à Barcelone, Rafael Nadal a créé l’événement tennistique de la semaine et réchauffé bien des cœurs. Car en repoussant sans cesse sa rentrée depuis février – il a déclaré forfait à Doha, Indian Wells puis Monte-Carlo –, le Majorquin envoyait des signaux de plus en plus inquiétants, ne cachant pas sur les réseaux sociaux après avoir renoncé au Rocher que son cœur en était brisé. Mais à un peu plus d’un mois du lancement de Roland-Garros, il a donc fini par reprendre la raquette en compétition.
Quel bilan peut-on en tirer ? Certains verront le verre à moitié vide, d’autres à moitié plein. Il y a eu une victoire assez aisée (6-2, 6-3) face au jeune Flavio Cobolli, 62e joueur mondial, ce qui sur le plan du résultat brut était plutôt prometteur. Rappelons que l’Espagnol, qui pointe cette semaine au 644e rang du classement ATP, n’avait joué que trois matches à Brisbane en janvier en plus d’un an (15 mois).
Des fulgurances vintage mais une attitude contre-nature
Et puis il y a eu cette défaite face à Alex de Minaur (7-5, 6-1), 11e mondial mais dont le niveau ces derniers mois est celui d’un Top 10 (il l’a d’ailleurs intégré quelques semaines). Comme le score l’indique, ce match a eu deux moments bien distincts : celui du combat puis celui de la reddition, Nadal lâchant les six derniers jeux. Parmi les éléments positifs à en tirer, il y eut la capacité du Majorquin à rivaliser pendant un peu plus d’une heure en ne pouvant pas servir normalement et en manquant globalement de rythme.
Sur certaines séquences, il a même semblé retrouver sa férocité, avec des ogives en revers qui ont laissé son rival australien pantois et admiratif. Quand il a débreaké en milieu de premier set, Nadal a montré par fulgurances qu’il n’avait non seulement rien perdu de sa qualité de frappe, mais aussi de sa science du jeu sur terre avec ses angles courts croisés, ses trajectoires bombées et sa capacité à dicter en coup droit lifté. A cette intensité, il donnait l’impression de pouvoir dominer un joueur de la trempe de De Minaur, ce qui aurait été un signal particulièrement fort.
Oui mais voilà, il n’a pas pu tenir cette cadence sur la longueur. Et de son propre aveu, son autonomie est limitée puisque pour lui, « être compétitif sur 2-3 heures » est (encore) impossible. Nadal a donc arrêté de combattre, ce qui ne lui ressemble guère. Était-il déjà gêné physiquement après deux matches en deux jours ? La question pouvait légitimement se poser, tant il a pris de précautions au service et dans ses reprises d’appuis, arrêtant régulièrement tôt ses courses vers l’avant sur les amorties.
L’intéressé a rassuré en conférence de presse… enfin, jusqu’à un certain point. S’il n’a pas insisté après la perte de la première manche, c’est justement parce qu’il ne voulait pas prendre de risques de rechute. Son physique, qui lui envoie des signaux d’alerte depuis des mois – au-delà de ses soucis musculaires à la hanche, il a aussi souffert du dos et des abdominaux récemment –, est si fragile qu’il souhaite à tout prix le préserver car il n’a qu’une idée en tête : ne pas rechuter avant Roland-Garros.
Quel plus beau symbole que de « mourir » à Roland-Garros !
Pourra-t-il vraiment monter en puissance dans ces conditions ? Le doute est plus que permis. Tenir deux sets à haute intensité représente déjà un grand défi, alors le faire au meilleur des cinq manches en Grand Chelem semble bien présomptueux à ce stade. Objectivement, voir en Nadal un candidat sérieux à la victoire sur la terre parisienne, malgré tout son passif, relève d’un rêve que même ses plus grands fans sentent inatteignable. Mais l’essentiel est bien ailleurs.
Le « Taureau de Manacor » veut « mourir » chez lui, comme il l’a rappelé. Pas en Espagne ni même à Majorque, mais sur la terre de tous ses exploits, celle où il a remporté un 14e titre légendaire sans sentir son pied gauche voici deux ans. Là-bas, il essaiera sûrement de pousser son corps au-delà de ce qu’il peut supporter, comme son vieux rival Roger Federer l’avait fait à Wimbledon en 2021, terminant sur une jambe et par un 6-0 encaissé contre Hubert Hurkacz.
Ce serait une manière de maîtriser sa fin autant que de cimenter sa légende dans le tournoi qui lui a érigé une statue. Rejouer cette semaine à Barcelone a représenté en ce sens un pas en avant fondamental. Rafael Nadal est redevenu un joueur de tennis professionnel. Qu’il progresse ou non avant le rendez-vous, il s’est surtout prouvé qu’il pouvait y prétendre. A défaut d’un 15e titre, il peut croire à un dernier grand frisson.