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Mourad Meziane : « Si on veut d’autres médailles, il faut l’étaler sur toutes les disciplines»

Le projet d’Imane Khelif a été fructueux

Après une participation de la boxe algérienne couronnée par une médaille d’or, le DTN national, Mourad Meziane, a établi son bilan. Il a mis en exergue la nécessité de disposer des moyens financiers adéquats tout en assurant la stabilité de l’encadrement administratif et technique pour atteindre le haut niveau.

En votre qualité de DTN de la boxe, comment évaluez-vous la participation algérienne aux JO de Paris en général et celle de cette discipline en particulier ?

Je peux vous dire que d’une manière générale notre participation aux JO est honorable, même si on peut toujours mieux faire, car il y a eu des disciplines qui sont passées carrément à côté de leur sujet. Dans le haut niveau, il y a des facteurs déterminants qui font la différence, comme la qualité de la préparation et l’expérience. Pour ce qui est de la boxe, je pense que la satisfaction vient d’Imane Khelif qui a décroché la médaille d’or. Toutefois, cela fait 28 années que nous n’avons pas atteint la première marche du podium en boxe, la dernière médaille récoltée remontre à l’année 2000 qui était en bronze à savoir celle d’Allalou.

Est-ce qu’on peut comprendre que vous n’êtes pas satisfait ?

Au contraire, je suis satisfait de notre participation, mais il faut toujours se montrer ambitieux et dire qu’on peut mieux faire. Sachez que nous avons réussi l’exploit dans les qualifications, ce qui nous a permis d’engager 5 athlètes en catégories masculine et féminine lors des JO 2024, ce qui n’était pas évident.

Soyez plus explicite ?

Il y a un quota bien déterminé suivant le nouveau système de qualification qui a changé, par le passé on pouvait engager un certain nombre de boxeurs dans les catégories masculine et féminine, mais ce nombre a été revu à la baisse. Avec ce nouveau système, l’Afrique n’ouvre le droit qu’à un quota de 18 billets de qualification sur les 56 billets répartis sur les différents continents. Lors des tournois qualificatifs du continent africain, seulement 8 pays ont réussi à décrocher des billets pour les JO sur les 49 pays ayant pris part à ces tournois. En qualifiant 5 athlètes aux JO, on peut dire que nous avons récolté presque le tiers des places.

Pourquoi le continent africain est-il défavorisé par rapport aux autres en matière de quotas?

Malheureusement, les intérêts sportifs du continent africain sont mal défendus dans cette discipline, bien que 54 fédérations africaines soient adhérentes au niveau des instances internationales de la boxe. On peut dire sans risque de se tromper que l’Afrique est lésée, il faut donc une certaine mobilisation si on veut que le nombre des billets soit revu à la hausse lors des prochaines festivités internationales.

Le CIO vient de retirer l’agrément à l’IBA est-ce que les choses peuvent changer dans le bon sens ?

Effectivement, les choses peuvent évoluer dans le bon sens, car il y avait beaucoup de choses négatives au niveau de l’IBA. Avec la création d’une nouvelle Fédération internationale de boxe qui sera agréée par le Comité olympique international, il y a de l’espoir à ce que plusieurs volets soient revus.

Jadis nos athlètes réussissaient de bonnes performances aux JO, même s’ils ne décrochaient pas de médailles, à quoi attribuez-vous cette baisse de régime ?

Comme je l’ai déjà dit, il y a le quota des athlètes qui est réduit relativement aux précédentes festivités internationales. Quant aux derniers JO de Paris, tout le monde était unanime à dire que le niveau était assez élevé. A titre d’exemple Ait Bekka a été éliminé par l’un des meilleurs boxeurs du monde, il y a aussi le jeu de coulisses qui était déterminant auquel on ne peut y faire face, car nous les Algériens on n’est pas bien introduits dans les instances internationales. Certains peuvent dire que le niveau de l’arbitrage s’est relativement amélioré, cela est vrai, mais les coulisses existent toujours.

Si l’on revient à la médaille d’or remportée par Khelif, malgré sa détermination face à la campagne orchestrée contre elle, la préparation qu’elle a effectuée a-t-elle été déterminante?

Avant de parler du volet antisportif, cette médaille n’est autre que le fruit d’une stratégie de travail que nous avons entamé juste après les Jeux méditerranéens. Avec le concours du manager Nacer Yefsah qui est établi en France, un projet a été élaboré pour Imane Khelif, afin qu’elle puisse réaliser un travail spécifique individuel. Ce projet détaillé a été approuvé par les hautes autorités du pays qui ont donné le feu vert pour son exécution, il s’agit donc d’une volonté politique. Le dossier a été transmis au MJS et les moyens financiers nécessaires ont été débloqués pour mener à bien ce projet. Nous avons travaillé en étroite collaboration sur ce sujet qui a été ponctué par la signature d’un contrat avec la boite de promotion que dirige le manager Nacer Yefsah. Ce qui a permis à Imane Khelif de se préparer comme les athlètes de haut niveau.

C’est un projet qui s’est étalé donc sur deux années ?

Effectivement, c’est un projet qui s’est étalé sur deux années et qui a porté ses fruits. Il ne faut pas se voiler la face, si on veut vraiment avoir des athlètes de haut niveau et prétendre à prendre des médailles à l’avenir, c’est la seule alternative qui se présente. Sur les deux années, il y avait des objectifs pour chaque étape du projet. En dépit de la décision de l’IBA de disqualifier Khelif en championnat du monde, nous avons réussi à faire face à cette situation qui nous a un peu perturbés. Les trois objectifs ont été donc atteints et le projet a été couronné par une médaille d’or.

Cette expérience peut-elle s’étaler à d’autres boxeurs ?

Le choix de Khelif était loin d’être arbitraire, car nous avons pris en considération certains critères à l’image des résultats sportifs réalisés. Pour répondre à votre question, il y a des boxeurs qui peuvent bénéficier du projet similaire et il n’y a aucune raison pour qu’il ne donne pas ses fruits. Si on veut des résultats à un très haut niveau il faut mettre les moyens, l’individualisation de la préparation est une condition primordiale pour répondre aux exigences du haut niveau et récolter des médailles. Je tiens juste à rappeler qu’après le tournoi au Sénégal deux boxeurs ont été pris en charge dans un projet de 6 mois, mais la durée était assez courte pour réaliser les résultats souhaités aux JO de Paris.

Si on veut donc des résultats au plus haut niveau il faut assurer à l’athlète une prise charge à tous les niveaux ?

Sans les moyens, tout résultat positif relève de l’exploit, imaginez que nous ne disposons même pas de salles de boxe fédérales où peuvent s’entraîner nos athlètes internationaux, il est donc très difficile de parler d’objectifs dans ce cas. Il y a aussi les moyens de récupération qui doivent suivre, un athlète a besoin de bien récupérer afin qu’il puisse exécuter une grande charge de travail.

D’aucuns pensent que l’apport des techniciens étrangers est indispensable pour hisser le niveau, comme cela est le cas pour Khelif qui s’est rendue aux USA pour se préparer sous la houlette de l’entraîneur cubain Pedro ?

L’apport d’un expert étranger est une bonne chose pour la boxe algérienne, quand vous me parlez de Pedro, sachez que l’entraîneur algérien de Khelif qui est Mohamed Chaoua l’a accompagné aux USA pour réaliser son travail, mais aussi gagner de l’expérience aux côtés de ce grand technicien. En plus de la boxe, ce projet peut servir de modèle à calquer pour les autres disciplines et passer à la spécification et l’individualisation dans le travail.

Le COA tient à ce que les prochains JO se préparent dès maintenant et mettre aussi l’accent sur la détection des jeunes talents ?

Si on souhaite améliorer nos performances, il faut se projeter dès maintenant sur les prochains JO, à condition d’avoir un suivi pour les jeunes talents. Je tiens à vous rappeler que par le passé il y a eu la déperdition des jeunes talents comme nos deux vice-champions olympiques en boxe lors des JO réservés aux jeunes. En plus d’un suivi continu des jeunes et l’accompagnement des athlètes, l’instabilité qui caractérise la fédération de boxe n’est pas faite pour arranger les choses, imaginez que nous avons connu 11 présidents depuis 2016.

Il y aura la mise en place d’une commission pour faire une évaluation avec le concours des fédérations dont les athlètes ont pris part aux JO pour se projeter vers l’avenir

Certes, c’est une bonne chose de faire un bilan en toute objectivité, mais il faut savoir que dans 3 mois il y aura le renouvellement des instances fédérales pour le nouveau mandat olympique. Il faut donc que cette évaluation soit faite dans l’immédiat si on veut tirer les conclusions nécessaires et mettre en place un plan d’action pour l’avenir.

K. M.

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