MCA – Beaumelle : «Voici mon chantier …»
Très discret depuis qu’il a rejoint les rangs du Mouloudia d’Alger, Patrice Beaumelle s’est exprimé dernièrement sur le site 2022 MAG. Le tacticien français, a accordé un long entretien au journaliste français, Franck Simon dont voici le contenu.
Depuis environ deux mois, vous êtes de retour sur la scène du football africain… en club, puisque vous avez rejoint le Mouloudia Alger. Juste avant, vous aviez dirigé l’été dernier le groupe de l’UNFP, c’est-à-dire des joueurs en quête de contrat pro. Le fait de retrouver une activité quotidienne a-t-il pesé dans votre choix ?
ll Ecoutez, j’ai été sollicité par la fédération égyptienne pour prendre les Pharaons. Ça s’est joué à rien. Dans mon esprit pourtant, je voulais rentrer en France. Eventuellement reprendre un club en Europe ou aux Etats-Unis parce que je ne voulais pas avoir l’étiquette d’un coach français qui œuvre uniquement au niveau des sélections africaines. Les dirigeants de l’UNFP me proposent alors le poste d’entraîneur sur la saison estivale pour préparer les joueurs sans club. J’accepte. Cela a été une super aventure avec Pascal Bollini et Philippe Rossi. J’avais aussi des propositions en Egypte (Ahly, Ismaïli, Ittihad Alexandrie), le Bénin, la RDC. Le Mouloudia d’Alger me contacte via le président mais je n’ai pas encore fini ma mission avec l’UNFP même si c’est du bénévolat. En toute honnêteté, je voulais rester en Europe pour prendre un club. Le Mouloudia prend Hadzibegic, les autres clubs prennent aussi des coachs. Et en septembre-octobre, je me retrouve dans l’attente. Du coup, je vais voir beaucoup de matchs de L1-L2. Je postule dans tous les clubs qui changent de coach : Montpellier, Brest, Troyes, Auxerre, dont j’ai rencontré l’actionnaire principal. Je reste dans l’attente, la CDM au Qatar arrive. Et le Mouloudia revient à la charge.
La deuxième approche a donc été la bonne !
ll J’avais eu de très bons rapports avec le président Hadj Redjem qui a su me séduire. Cela s’est fait naturellement, et me voici de retour en Algérie onze ans plus tard ! J’avais envie de prendre un club pour m’éclater au quotidien sur un projet. Et pour que les gens puissent aussi me reconnaître comme un entraîneur à part entière.
Quand on entend les noms des clubs cités par vous, tels que le Ahly, il n’y a pas eu de regrets ?
ll Le contexte en avril-mai 2022, souvenez-vous ! Le Zamalek était proche du titre et le Ahly peinait. Le club avait changé d’entraîneur… Je ne les ai pas refusés. J’ai fait mes entretiens avec le board et présenté mon projet. Je n’ai pas été retenu. J’étais très motivé pourtant d’aller au Caire avec mon staff, c’est le club du siècle en Afrique ! J’étais à 200% partant là-bas. Je sais que j’ai parlé avec les bonnes personnes. Mais c’était une période compliquée, chacun était attaqué à ce moment-là. Il fallait trouver une solution pour stopper l’hémorragie.
Il y a maintenant le retour en Algérie. A la différence que vous revenez en numéro 1 et dans le club rival de celui que vous aviez connu, l’USMA…
ll Exactement. Il y a onze ans, j’étais à l’USMA où l’on avait connu de beaux derbys algérois contre le Mouloudia. Le fait que le Doyen soit le plus populaire d’Algérie a pesé. Important de rejoindre un club avec une pression mais avec une volonté de faire quelque chose. Ce n’est pas le club numéro un en ce moment. A mon arrivée, le MCA n’était plus en Coupe nationale, ne faisait pas de Coupe d’Afrique et jouait simplement une place sur le podium. Il n’a plus gagné de titre depuis 2015 je crois. Ce qui m’a plu, c’est l’idée de bâtir, de remettre des fondations solides pour mettre en place une politique, afin que le club puisse briller les dix prochaines années. Contribuer à ça. Ce club est immense. Je vois la ferveur autour du MCA. Le président m’a donné les clés du bateau pour une grande et belle traversée. C’est la Sonatrach qui est derrière. Le président et moi nous nous parlons tous les jours. En près de deux mois, je suis plutôt satisfait de tout ce que j’ai mis en place, qui est la partie cachée de l’iceberg.
Qu’avez-vous mis en place exactement ?
ll A mon arrivée, et après avoir fait un petit audit, on me disait que les joueurs étaient SDF et naviguaient entre plusieurs sites d’entraînement. Il faut savoir que le club a investi dans un nouveau centre d’entraînement qui sera prêt à la date anniversaire du 7 août, à Zeralda. OK, c’est l’avenir proche mais aujourd’hui, de mars à la saison prochaine, c’est important de ne plus être SDF. J’ai fait le choix d’un site. On est à l’ESHRA, l’Ecole supérieure d’hôtellerie et de restauration, qui a un terrain synthétique. Il y a la salle de muscu, le gymnase, la piscine, la salle de récupération bain chaud-bain froid. Et puis, un lieu de vie pour nos joueurs. A mon arrivée, j’ai ressenti qu’il n’y avait pas d’âme au sein de cette équipe. J’ai identifié un endroit à l’ESHRA, une grande salle. J’ai demandé à ce que cela soit aménagé. C’est tout bête. On a affiché les portraits des présidents emblématiques, les photos de chaque joueur, des rideaux aux couleurs du MCA, des salons où les joueurs peuvent prendre café ou thé, manger des fruits, lire la presse. On a aussi une salle de réunion où je peux faire mes séances et analyses vidéo. On a investi dans une salle de soins, avec du matériel médical à hauteur de 100 000 euros. On a des buts mobiles, des planches de rebond, etc. J’ai revu le staff médical complètement, avec un médecin que je connaissais, on l’a étoffé. Je voulais aussi ici un lieu où le staff technique puisse se retrouver à vingt mètres du lieu de vie des joueurs. On a notre salle de réunion, un coin cuisine, on a investi dans les logiciels de suivi des joueurs.
Cela ressemble à une sacrée remise à niveau…
ll Les tâches de l’encadrement ont toutes été réparties. On a mis en place une permanence médicale. On avait un blessé, le petit Hamza Mouali (ex-Laval) qui avait un problème au cœur. On l’a envoyé chez Aspetar pour une contre-expertise et ça y est, il peut rejouer. Cela paraît anodin : les équipements. Que tout le monde soit vêtu pareil. Etre strict sur les horaires, on a mis des amendes dès que les joueurs sont en retard. On a évidemment adapté les entraînements pendant le mois de Ramadhan. Après les séances, on partageait le ftour ensemble.
En tout cas, vous avez donné un sacré coup de pied dans la fourmilière !
ll C’est là où le président m’a donné carte blanche. Les gens qui ne suivaient pas et n’adhéraient pas, il a fallait apporter une énergie nouvelle. C’est être très exigeant. Les blessés arrivent avant, ils disposent d’une permanence médicale. Avant, les blessés on ne savait pas ce qu’ils faisaient ! Tu es payé par le club, tu es au club les jours d’entraînement. Donc il a fallu remettre tout le monde au travail. Aujourd’hui, j’ai les ressources humaines et matérielles pour pouvoir optimiser le travail. J’en remercie le président qui me fait confiance. Je prends plaisir à travailler au quotidien pour le MCA.
Après environ deux mois, quel est votre ressenti ?
ll L’état des lieux, après deux mois, est le suivant : défensivement, on a la meilleure équipe du championnat. Il y a le CRB aussi qui a quelques matchs de retard. On est très solides. C’est offensivement où on a l’avant-dernière attaque je crois. J’ai l’impression qu’il y a un gros manque de confiance. Les joueurs ne tentent pas. Ils ne vont pas au bout de leurs actions. Cette grosse crise de confiance, je l’ai ressentie à mon arrivée, j’ai trouvé des joueurs touchés à ce niveau-là, qui ne tentaient plus rien. De peur peut-être de rater, d’être pris en grippe. Mon plus gros chantier, c’est évidemment de maintenir cette solidité défensive, si l’on veut finir sur le podium, tout en améliorant l’aspect offensif. On est dans une bonne dynamique et le groupe prend confiance. Reste l’animation offensive. Retrouver le plaisir de marquer des buts, c’est ce qui rend heureux le peuple. Tout ça entaché d’un arbitrage qui reste moyen en Algérie.
C’est à dire ?
ll A Chlef, un but valable nous a été refusé pour un hors-jeu imaginaire… L’arbitre depuis a été sanctionné et suspendu. Contre le CSC au 5-Juillet, il y a deux penaltys oubliés. L’arbitre a également été sanctionné et suspendu. Il y a un arbitrage qui doit progresser et cela doit passer par la VAR.
Que pouvez-vous nous dire de Koloina, la recrue malgache signée lors du CHAN en janvier dernier ?
ll Je l’ai fait jouer quasiment tous les matchs. J’ai parlé avec lui, c’est la première fois qu’il quitte Madagascar, il découvre le monde professionnel, une autre culture. Il a besoin d’adaptation. Il a de la qualité. Il est très apprécié de ses coéquipiers. Mais le public est impatient. A lui de se le mettre dans la poche, en tant que joueur étranger. Je sens qu’il a tout pour apporter sa percussion et sa vivacité. Il fait partie des joueurs encore timides. Qu’il se lâche un peu plus serait bien.
Revenons maintenant à l’objectif qui vous a été assigné : vous qualifier pour une Coupe d’Afrique. Est-ce envisageable ou très compliqué ?
ll C’est en tout cas le rêve qu’on veut rendre réalisable ! Le problème, c’est qu’avec tous les clubs engagés en Coupes d’Afrique (CRB, USMA, JSK), il y a énormément de matchs en retard. Aujourd’hui, mathématiquement oui on est dans le coup en occupant la 3e place. Mais le plus important à mes yeux, c’est que les compteurs soient remis à zéro rapidement pour voir où l’on se situe. Si on arrive en juin et que certaines équipes comptent encore beaucoup de matchs en retard, la fin de saison sera aléatoire. Tu peux jouer ton avenir sur des décisions autres que sportives.
Synthèse réalisé par N.L