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Mercedes, le marsouinage coûte un an de retard :

La célèbre marque allemande paye les conséquences des difficultés rencontrées en début de cycle. A Brackley, le travail détude sur leffet de sol se poursuit, mais la saison 2026 approche.

Le début de saison dessine un parallèle entre la situation chez Mercedes et celle vécue par Ferrari lors de la saison précédente. A Brackley, une période d’étude est annoncée pour comprendre les raisons physiques derrière le comportement imprévisible de la voiture, qui, en soufflerie, promet un potentiel plus élevé que celui exprimé en piste, comme ce fut le cas également à Maranello en 2023. L’objectif pour Mercedes est de parvenir à une compréhension complète de l’effet de sol, qui continuera à être crucial même avec les règlements de 2026.

Un problème de physique

Les trois premiers Grands Prix révèlent une situation compliquée pour Mercedes. La W15 éprouve notamment des difficultés dans les virages à haute vitesse, avec un mélange de problèmes comprenant des pertes soudaines d’adhérence, des rebonds contre le sol et un manque de charge aérodynamique. Avec une configuration aérodynamique similaire à celle de ses rivales, la Flèche d’Argent accuse toujours un retard significatif en vitesse de pointe. Enfin, le week-end en Australie souligne que la voiture s’exprime au mieux uniquement dans un intervalle restreint de conditions, perdant en compétitivité et en équilibre à mesure que la température de la piste augmente.

Inquiétantes sont les paroles de Toto Wolff, qui ne cache pas que le problème réside dans une compréhension encore incomplète de la physique des voitures actuelles. « Nous n’avons pas de problème philosophique ou organisationnel, mais un problème de physique », déclare le directeur de l’équipe. « Depuis 2021, quelque chose nous échappe, nous ne comprenons tout simplement pas certains comportements de la voiture que nous aurions toujours compris par le passé », a-t-il enchaîné. Un premier avertissement était apparu lors du lancement de la voiture, lorsque le manager autrichien, loin de manifester une assurance quant à l’identification de l’origine des problèmes, parlait plutôt d’une approche visant à éliminer les variables externes : « Je pense que nous avons trouvé quelques indices. Nous avons essayé d’éliminer autant de variables que possible. » Un chemin de retour dessiné par Wolff, qui n’a visiblement pas encore remonté à la source.

Etapes obligatoires

La récente suprématie de Red Bull découle d’une compréhension quasi immédiate des implications physiques des nouveaux règlements. L’effet de sol, compris comme l’interaction aérodynamique entre le fond plat et la piste, était déjà exploité avec les voitures précédentes, mais l’arrivée des canaux Venturi et des monoplaces 2022 l’a poussé à un niveau extrême. Les équipes ont peu à peu découvert une nouvelle dimension aérodynamique, franchissant des étapes obligées pour parvenir à une compréhension complète.

La première étape a été de comprendre comment contrôler le marsouinage pour rouler à des hauteurs minimales au sol sans subir de rebonds, un objectif atteint presque immédiatement par Red Bull et quelques mois plus tard par Ferrari. La deuxième étape consiste à développer les voitures et à augmenter leur charge aérodynamique, sans toutefois altérer leurs caractéristiques aérodynamiques et risquer des problèmes d’instabilité et d’équilibre. La Scuderia a consacré toute l’année 2023 à surmonter cette barrière, contre laquelle Aston Martin s’est également heurté lors du développement saisonnier de l’AMR23.

Mercedes n’atteint que maintenant cette deuxième étape obligée dans l’étude de l’effet de sol. L’année de retard découle du marsouinage lors de la saison inaugurale des nouveaux règlements, que l’écurie de Brackley a le plus souffert, investissant une année entière dans sa résolution. De plus, l’équipe a changé chaque année le concept de la voiture, non pas en termes de formes de carrosserie, mais en termes de méthodologie de travail de la monoplace, parfois même pour « éliminer autant de variables que possible ». Cela a privé l’équipe de points de référence avec lesquels approfondir des aspects très spécifiques de l’effet de sol, ralentissant son étude.

Problèmes de corrélation

La compréhension incomplète de la physique des voitures actuelles se manifeste également par une corrélation imparfaite entre le simulateur, la soufflerie et la piste. « Dans l’ensemble, nos outils de simulation sont incroyablement bons », commente le directeur technique James Allison. « Mais le diable se cache dans les détails. En particulier, il y a quelque chose que nous pouvons améliorer dans les modèles de simulation en ce qui concerne l’équilibre entre les hautes et basses vitesses, car c’est là que nous rencontrons des différences entre ce que nous voyons à l’usine et dans le monde réel », a-t-il déclaré .

Les paroles d’Allison suggèrent une incohérence entre l’équilibre mécanique de la voiture, qui se manifeste à basse vitesse et l’équilibre aérodynamique, qui prévaut aux hautes vitesses. Le problème de corrélation ne réside pas dans le pic de charge enregistré dans certaines conditions, mais dans sa variation avec l’évolution de la vitesse, de la hauteur au sol, des angles de braquage, du tangage et du roulis. Quelque chose expérimenté également par Ferrari en 2023, comme l’expliquait Vasseur en septembre dernier : « Lorsque nous apportons quelque chose en piste, nous avons les gains que nous attendons. Lorsque la soufflerie prédit une augmentation de X points de charge, nous voyons exactement cela sur la piste. » Le problème résidait plutôt dans des aspects de la voiture non reproductibles en soufflerie, en raison également de l’effet de sol extrême des voitures actuelles.

Une année détude

Pour surmonter ce deuxième obstacle dans la compréhension de l’effet de sol, Ferrari a consacré la saison 2023 à étudier ce qui se passait sur sa voiture et ce qui causait son imprévisibilité : « L’année dernière, nous avons fait un excellent travail pour comprendre ce que signifiait la maniabilité en termes de carte aérodynamique. […] La maniabilité a été améliorée en donnant la priorité à certains aspects aérodynamiques par rapport à d’autres ». Des mots, ceux du directeur technique Enrico Cardile, qui soulignent que la clé réside dans la compréhension et la mise en valeur d’aspects physiques bien précis.

En 2024, Mercedes se trouve confronté au même défi. La priorité est de comprendre comment élargir la fenêtre de fonctionnement de la voiture, en exprimant dans le large éventail de conditions rencontrées en piste les valeurs de charge vues en soufflerie. La faible plage opérationnelle de la W15 génère en effet une difficulté de conduite considérable pour les pilotes, parfois retenus, voire même induits en erreur par l’imprévisibilité de la voiture, endommageant les pneus et déclenchant un cercle vicieux. La gestion des pneus en course devient plus complexe, tandis que pour l’équipe, il est difficile de lire la voiture et de comprendre comment affiner son réglage de piste en piste.

Comme Ferrari en 2023, Mercedes pourrait également consacrer certaines séances d’essais libres à des expérimentations, au détriment de la préparation à certains week-ends de course. Résoudre les problèmes de physique signalés par Wolff est une priorité en vue de 2026, où, malgré les nouveaux règlements, l’exploitation de l’effet de sol restera marquée. Le tout s’entrelace avec les logiques du marché : les dirigeants de Mercedes sont conscients que surmonter les difficultés actuelles est également crucial pour convaincre un pilote de premier plan de rejoindre Brackley et de lui confier l’héritage de Lewis Hamilton.

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