Tennis

Pourquoi la rivalité Alcaraz-Djokovic est-elle déjà aussi marquante ?

US Open 2023

A l’instar de leur récente finale à Cincinnati qui a battu des records de durée et d’intensité, Carlos Alcaraz et Novak Djokovic ont, en seulement quatre matches, placé le curseur de leur rivalité naissante à des hauteurs dignes des plus grands duels de l’histoire du tennis. Une forme d’exploit, qui s’explique par plusieurs paramètres.

Quatre matches, 15h30 de jeu, 322 coups gagnants, une intensité folle, un suspense permanent, des enjeux colossaux, des larmes, des drames et pour finir une égalité parfaite (2-2) : née il y a seulement un peu plus d’un an, à Madrid, en 2022, la rivalité Alcaraz-Djokovic a déjà placé le curseur à des hauteurs suffisamment stratosphériques pour marquer profondément le cœur du public.
Au sortir d’une ère marquée par les mythiques « Fedal » et « Djokodal », l’exploit n’est pas moindre : « Alcarovic » n’est pas loin d’avoir réussi à se faire une place à part entière dans la saga des grandes rivalités qui ont marqué l’histoire de ce sport. Elle ne s’étendra pas aussi longtemps que les deux premières nommées, c’est une certitude. Mais en seulement quatre matches, et l’on espère bientôt un cinquième en forme d’apothéose à l’US Open, elle a d’ores et déjà laissé une trace indélébile. Pour plusieurs raisons.

Parce qu’elle a commencé sur les chapeaux de roue
C’est quand même le critère n°1 pour rendre une rivalité passionnante : il faut des gros matches, à forts enjeux et avec un très haut niveau de tennis. Là-dessus, Carlos Alcaraz et Novak Djokovic ont frappé fort d’entrée : trois de leurs quatre duels se sont achevés au set décisif, et même deux d’entre eux au tie break décisif : la demi-finale de Madrid 2022, remportée par l’Espagnol en 3h36, et la finale de Cincinnati 2023, où le Serbe a pris sa revanche en 3h49, la plus longue finale de Masters 1 000 jamais disputée en deux sets gagnants. Sans doute aussi la plus belle.

Entre les deux, il y a eu récemment une somptueuse finale de Wimbledon en cinq sets et 4h43, où c’est cette fois Alcaraz qui a pris sa revanche quelques semaines après avoir perdu la demi-finale de Roland-Garros, peut-être leur seul duel un peu décevant jusque-là (très relativement) au regard des attentes. Mais à la place du choc annoncé, il y avait eu du drame avec cette crise de crampes qui avait touché l’Espagnol, preuve aussi de l’intensité physique et émotionnelle du rendez-vous.
Si l’on regarde les plus grandes rivalités de l’histoire du tennis, les Borg/McEnroe, Agassi/Sampras, Djokovic/Nadal et même Federer/Nadal, toutes ont mis un peu plus de temps à se lancer véritablement. Alcaraz et Djokovic, eux, se sont tout de suite retrouvés à leur « prime », mutuellement. Forcément, la collision d’un monstre et d’un phénomène ne pouvait être que brutale et explosive.

Parce qu’elle a revêtu tout de suite de très gros enjeux
C’est la suite directe du paragraphe précédent. Alcaraz et Djokovic ne se sont affrontés jusqu’à présent qu’en demi-finales et finales, uniquement en Grand Chelem et Masters 1 000, et désormais sur toutes les surfaces (hormis l’indoor). Là encore, c’est assez unique dans l’histoire des rivalités. A titre d’exemple, Borg et McEnroe ont certes disputé 13 de leurs 14 rencontres dans le dernier carré d’un tournoi (plus une en phase de poules du Masters), ce qui est assez énorme, mais ils ont dû attendre leur 8e confrontation pour se retrouver en Grand Chelem, lors de la fameuse finale de Wimbledon 1980.
Alcaraz et Djokovic, eux, ont lutté d’entrée pour l’histoire. Avec bien entendu en fil rouge la course à la place de n°1 mondial, pour laquelle ils se livrent depuis plusieurs mois à un chassé-croisé sans merci. Avantage Alcaraz, pour le moment. Mais cela devrait changer après l’US Open où Dokovic, privé de tournoi l’an dernier, n’aura qu’un match à gagner pour le dépasser.

Parce qu’elle est atypique
Au-delà de son intensité, ce qui fait la spécificité et même l’originalité de cette rivalité, c’est la différence d’âge entre ses deux protagonistes : Djokovic (36 ans) et Alcaraz (20 ans) sont nés à 15 ans et 11 mois d’intervalle, et il est rarissime de voir deux joueurs avec un tel écart d’âge se croiser au sommet.
Dans l’histoire des finales de Grand Chelem, seuls Jimmy Connors et Ken Rosewall avaient une plus grande différence d’âge (17 ans et 10 mois) lorsqu’ils se sont affrontés lors du match ultime des tournois de Wimbledon et de l’US Open 1974. Pour des victoires tellement expéditives du plus jeune que personne ne se souvient vraiment, aujourd’hui, de cette rivalité qui n’en fut pas vraiment une.
Entre Alcaraz et Djokovic, il n’y a pas forcément une rigoureuse opposition de styles – même si leur jeu est bien différent – ni un antagonisme des fans trop prégnant, peut-être aussi parce que leur dualité est trop jeune. Mais il y a autre chose, un « je-ne-sais-quoi » qui la rend à part, et même totalement unique.

Parce qu’elle consacre l’hégémonie d’un binôme tout en préfigurant un changement d’ère
Il va sans dire qu’une rivalité digne de ce nom oppose forcément les deux meilleurs de leur discipline. Sur ce plan aussi, les deux hommes n’ont pas fait les choses à moitié. Vainqueurs à eux deux des cinq derniers tournois du Grand Chelem, ils ont creusé un gouffre entre eux et le reste du monde. Que ce soit au classement ATP ou au niveau du tennis pratiqué, ils sont, pour l’instant, seuls sur leur planète.
Mais là où la plupart des précédents grands rivaux se battaient pour être les maîtres de leur temps, Alcaraz et Djokovic, au vu de leur écart d’âge, symbolisent une lutte générationnelle. Le Serbe se bat pour prolonger autant que possible l’ère du Big Three dont il est désormais l’unique rescapé, en attendant l’éventuel retour de Nadal. Alcaraz, lui, veut être celui qui mettra un terme à cette éternelle hégémonie tricéphale, même si son humilité naturelle le pousse à dire qu’il n’y aura « pas de changement d’ère tant que Nadal et Djokovic joueront. »
Avec tout le respect que l’on doit à ses prédécesseurs de la « Next Gen » voire de la « Next Next Gen », le Murcien est en tout cas le premier à véritablement regarder un membre émérite du Big Three dans les yeux. Forcément alléchant pour le public, que l’on a vu assez partagé à Cincinnati, sans doute un peu entre admiration et excitation, entre l’envie de voir du neuf et la nostalgie de voir une époque qui s’éteindra, forcément, le jour où Alcaraz prendra le dessus pour de bon. Si ce jour-là arrive, bien entendu…

 

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