Omnisport

Larfaoui, l’Algérien aux cinq mandats à la tête de la FINA

(1ère partie)

Entretien réalisé par M.B

Aucun dirigeant sportif au monde ne peut s’enorgueillir d’avoir accompli cinq mandats à la tête d’une instance internationale, à l’exception de l’Algérien Mustapha Larfaoui, resté à la tête de la Fédération Internationale de Natation (FINA) de 1988 à 2009 ! Fier de son parcours et de tout ce qu’il a apporté à cette discipline sportive en termes de développement et de management, ses pairs, en reconnaissance de son engagement et de toutes ses réalisations, lui ont attribué à l’unanimité le titre honorifique de Président d’Honneur à vie. Un titre que lui conteste, malheureusement, le président actuel de la FINA, le Koweïtien Hussain Al-Musallam. Sur un autre registre, Larfaoui regrette notamment que son pays, l’Algérie, ne l’ait pas suffisamment sollicité. Son expérience et son aura auraient été d’un excellent apport au développement du sport algérien. Mais ceci est une autre histoire !

Sollicité par la direction du journal, Mustapha Larfaoui nous a accordé un long entretien dans lequel il égrène toutes les étapes de son riche parcours en tant que responsable dans la vie active, puis sportive, jusqu’au plus haut sommet de la hiérarchie de la FINA.

Question : Pouvez-vous nous relater les principales étapes de votre carrière dans la vie active puis sportive et les réalisations dont vous êtes le plus fier ?
Réponse : Sincèrement, j’ai eu une carrière administrative très intéressante. J’ai occupé le poste de directeur à l’hôpital Parney (Hussein Dey) pendant une dizaine d’années, puis Directeur général de l’hôpital de Constantine, ensuite Sous-directeur des Hôpitaux dans la Wilaya d’Alger, avant de finir comme Directeur de la Santé dans la même Wilaya. Parallèlement à mes activités professionnelles, j’étais passionné par le sport. En août 1962, j’ai été contacté par Mahmoud Abdoun, un ancien dirigeant du Mouloudia d’Alger, qui m’a demandé de créer la Fédération Algérienne de Natation. Avec quelques amis du Water-polo et un ancien nageur du nom de Chérif Ali, nous avons d’abord décidé de créer la première ligue d’Alger de natation, qui a vu le jour en septembre 1962, quelques mois après la proclamation de l’indépendance de l’Algérie. S’en est suivi la création de la ligue d’Oran et d’autres… En octobre 1963, après la constitution des ligues, lors d’une réunion de travail à Alger, il a été décidé de créer la Fédération Algérienne de Natation (FAN). Sur un autre registre, en relation avec mon ami feu Docteur Maouche, nous avions décidé de créer le Comité Olympique Algérien (COA) pour pouvoir participer aux JO de Tokyo de 1964 et ainsi bénéficier de la reconnaissance du congrès du Comité International Olympique tenu en février 1964 à Innsbruck (Autriche).

L’action à l’International’
Le seul athlète disponible à l’époque et susceptible de représenter l’Algérie était Mohamed Lazhari, champion de France en gymnastique. Sollicité par mes soins, Lazhari a tout de suite accepté notre proposition, celle de représenter l’Algérie à Tokyo. En avril 1963, nous avons participé aux Jeux de l’Amitié à Dakar (Sénégal), ceci nous a permis d’entamer la création de la Confédération Africaine de Natation (CAN) avec nos homologues africains, la deuxième du genre en Afrique après le football, mais aussi de nous rapprocher des fédérations étrangères participantes, en particulier européennes. Sa création remonte à l’année 1970. Actuellement, à la FINA, l’Afrique est le continent le plus représenté avec 53 fédérations. Auparavant, nous avons créé l’Union Maghrébine de Natation (UMN) en 1963, dont la première compétition s’est tenue à la piscine « Belvédère » à Tunis. S’en est suivi la création de la Confédération Méditerranéenne de Natation (COMEN) en novembre 1973, dont le premier championnat a eu lieu en 1974 à Barcelone (Espagne).

Q : En plus de vos actions dans la création des structures nécessaires pour le développement de la natation en Algérie, mais également en Afrique et en Méditerranée, vous avez mené un combat contre l’apartheid. Comment s’est-il concrétisé ?
R : Tout d’abord, permettez-moi de vous raconter comment j’ai mis les pieds à la FINA. En 1972, l’Algérie avait participé aux JO de Munich (Allemagne). À l’époque, j’occupais le poste de SG au COA, ce qui m’avait permis d’assister au congrès de la FINA et de me porter candidat au poste de membre du bureau exécutif. Après les événements qui se sont déroulés au village olympique de Munich, alors que j’occupais une place au premier rang dans la salle qui abritait les travaux du congrès, il a été décidé d’observer une minute de silence à l’instigation du président de séance, un Mexicain si ma mémoire est bonne. Je lui ai fait remarquer que si cette minute concernait toutes les victimes de la tragédie, j’adhérais totalement, mais si elle était dédiée uniquement à certains morts, excluant les Palestiniens et les Allemands, je refuserais catégoriquement de me lever de mon siège. Et c’est exactement ce qui s’est passé, comme je l’avais pressenti. Contrairement à ce que je craignais, j’ai été élu membre du bureau de la FINA grâce à toutes nos actions et au soutien des pays amis.

L’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud exclues de la FINA pour apartheid
En 1973, lors de la première réunion du bureau exécutif de la FINA à Belgrade (ex-Yougoslavie), en tant que représentant du continent africain, j’ai proposé d’exclure l’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud des instances de la FINA, sur la base des informations qui m’avaient été communiquées par mon ami Sud-Africain Sam Ramsamy. Après de vifs débats, j’ai proposé de constituer une commission d’enquête composée de trois membres du bureau exécutif. À son retour et sur la base de ses recommandations, il a été décidé de suspendre l’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud de la FINA. Ce n’est qu’en 1976, lors du congrès de l’instance internationale tenu à Montréal (Canada), que ces deux pays ont été exclus définitivement de la FINA. En signe de reconnaissance, j’ai reçu un diplôme délivré par la commission anti-apartheid de l’ONU.

Q : Dans les années 70, l’instance dirigeante de la natation mondiale disposait-elle d’un siège administratif ?
R : Quand j’ai rejoint le bureau exécutif de la FINA, celle-ci ne disposait ni de siège ni de bureaux. Il n’y avait pas de réunions périodiques ni de personnel permanent. Grâce au dévouement du bureau exécutif et à l’aide de Samaranch, président du CIO de l’époque, nous avons acquis un siège à Lausanne (Suisse) et un personnel permanent, ce qui nous a permis de mettre en place tout un programme de développement de la natation mondiale et continentale. Nous avons notamment tenu les premiers championnats du monde de natation en 1973 à Belgrade.

L’ascension vers le sommet
En 1976, lors du congrès de Montréal, à la demande de plusieurs fédérations africaines et de pays amis, j’ai été élu vice-président de la FINA. Sans rentrer dans les détails, cela m’a coûté mon départ, puis mon retour quelques mois plus tard au poste de président de la Fédération Algérienne de Natation. En 1986, deux ans avant l’expiration du mandat du président en exercice de la FINA de l’époque, un certain Robert Helmick, avocat de profession et président du Comité Olympique Américain, m’a sollicité pour postuler à ce poste et m’a assuré de son soutien, alors que je lui avais proposé exactement le contraire. Il faut savoir qu’à cette époque, les statuts de la FINA ne permettaient qu’un seul mandat au poste de président.
En 1988, lors des championnats du monde de natation de Rome (Italie), avec l’accord des instances nationales du sport algérien, qui m’avaient accordé un détachement pour bénéficier d’un salaire permanent conformément à la réglementation en vigueur, j’ai accepté de postuler au poste de président de la FINA, ayant pour seul adversaire un Néerlandais qui deviendra par la suite le trésorier de la FINA. Après dépouillement des bulletins de vote, j’ai été élu à la majorité écrasante des voix, 130 contre 31 pour le néerlandais. J’avais obtenu les voix des continents : africain, asiatique, océanien, des pays de l’Est et même de certains pays européens.
Dès ma prise de fonction en tant que président, avec l’accord du bureau exécutif, nous avons créé un office dont la direction était assurée par un directeur permanent, afin d’entamer le plan d’action destiné au développement de toutes les disciplines relevant de la FINA.
J’ai réussi avec le bureau exécutif de la FINA à faire élire plusieurs dirigeants notamment africains et asiatiques dans les différentes commissions techniques.

Q : Comment s’est déroulée votre réélection au poste de président de la FINA ?
R : Mon premier mandat s’achevait en 1992. Quelques mois avant cette échéance, des membres du bureau exécutif m’ont demandé de me représenter à condition de modifier les statuts de la FINA, en particulier celui concernant le nombre de mandats du président. Lors du congrès de 1992, tenu à Barcelone (Espagne) à l’occasion des Jeux Olympiques, les nouveaux statuts validés par les membres ont ouvert la possibilité de deux mandats consécutifs pour le poste de président. Ainsi, j’ai été réélu président de la FINA après les élections. En 1996, lors des Jeux Olympiques d’Atlanta (États-Unis), à la demande une fois de plus des membres de l’Assemblée Générale et après un nouveau changement des statuts de la FINA qui prévoit désormais des mandats à vie, j’ai été réélu à l’unanimité au poste de président. La première mesure que nous avons prise, en accord avec le bureau exécutif de la FINA et pour des raisons organisationnelles, a été de rallonger d’une année la durée du mandat du président, passant ainsi de quatre à cinq ans. Cela obligeait toutes les fédérations affiliées à la FINA à participer au Congrès et aux championnats du monde de natation. Le même scénario s’est répété en l’an 2000, lors des Jeux Olympiques de Sydney. En 2005, lors des championnats du monde organisés à Montréal (Canada), qui ont connu un franc succès, et à la demande des membres de l’Assemblée Générale et du Bureau exécutif, j’ai été reconduit au poste de président de la FINA pour un cinquième mandat.

Q : Vous aviez déjà accompli quatre mandats consécutifs à la tête de la FINA. Ne ressentiez-vous pas une certaine lassitude ?
R : Il faut savoir que pendant toutes les années que j’ai passées à la tête de la FINA, nous avons mis en place, en collaboration avec le Bureau exécutif et la Direction permanente, des mesures de gestion et de management adéquates. La machine administrative était bien rodée et notre seule préoccupation était dirigée vers la promotion et le développement de la natation mondiale. À cet égard, nous avons créé plusieurs nouveaux championnats du monde dans différentes disciplines relevant de la FINA, notamment les championnats du monde en petit bassin (25 mètres) en 1993, les championnats juniors de natation à Rio De Janeiro (Brésil) en 2005, ainsi que des coupes du monde dans les cinq disciplines suivantes : natation, water-polo, eaux libres, natation synchronisée (duo et en équipe) et plongeon, pour n’en citer que quelques-unes. Il faut savoir également, grâce aux actions de sponsoring, nous avons mis en place des procédures de remboursement de tous les frais de billetterie des membres du bureau exécutif qui les acquittaient auparavant de leurs poches, tout comme les frais de séjours et de déplacements des délégations participantes aux championnats du monde de natation. Pour revenir à votre question, effectivement, je sentais que la FINA avait besoin de sang neuf, et il n’était pas question pour moi de briguer un sixième mandat. Ma décision était mûrement réfléchie.

Suite de l’entretien dans notre édition de demain

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