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Roland-Garros Le dernier combat de Rafael Nadal ? Pouvoir choisir sa sortie

L’avenir s’est assombri pour Rafael Nadal. Au-delà de son forfait pour Roland-Garros, la dernière ligne droite de sa carrière s’annonce difficile pour l’immense champion espagnol, qui a programmé sa sortie en 2024.

Il veut s’en aller en maîtrisant cette dernière décision. Mais une fois encore, il est suspendu au bon vouloir de ce corps qui a tant et trop enduré depuis vingt ans.
Pour Rafael Nadal, ce sera la vie sans Roland-Garros. Pour le tournoi parisien, la vie sans son principal acteur. On ne sait lequel de ces deux vides abyssaux sera le plus imposant à l’heure de l’ouverture du coup d’envoi de l’édition 2023 dans moins de dix jours mais il est difficile d’appréhender la séparation de ces deux entités devenues indissociables en près de deux décennies. Le roi soleil de la porte d’Auteuil, tyran bien élevé et qui, en plus de son effarant palmarès ici, a su ajouter au respect des marques d’amour qui s’étaient refusées à lui dans les premières années de son règne, a entièrement raison : Roland-Garros restera Roland-Garros, avec ou sans lui. L’événement demeure, les joueurs ne font que passer.
Mais parce que personne n’a jamais laissé une trace si imposante dans un tournoi, quel qu’il soit, nous serions presque tentés de faire ici une exception. On ne parle pas de n’importe quel joueur dans n’importe quel tournoi, mais de Nadal à Roland-Garros. Penser à Roland, c’est penser à Rafael et ce sera le cas non seulement ces trois prochaines semaines mais aussi ces trois, ces dix, ces trente prochaines années et même au-delà. Ce n’est pas céder à un sentimentalisme de mauvais aloi que de l’affirmer. Si les joueurs ne font que passer, l’indissociabilité du couple Paris-Nadal demeurera, plus qu’aucune autre. Prenons ce pari sans grande crainte. Cela dit, il n’est pas encore l’heure d’évoquer Rafael Nadal au passé même si, depuis les mots de ce jeudi, il devient délicat d’envisager l’avenir. Le Majorquin est allé loin. Pas de Roland, pas de tennis ces prochains mois, pas même d’entraînement ces prochaines semaines, et la retraite en 2024. Cela faisait beaucoup à encaisser en quelques minutes. Seul soulagement, il n’a pas franchi le Rubicon. En n’annonçant pas que tout était fini dès maintenant, il a refusé de s’engager dans la traversée de cette rivière sans retour. Au cours de cette conférence de presse ou la tranquillité de son esprit et de son visage aura tranché avec le choc de la rudesse de ses diverses annonces, il s’est défini comme une personne réaliste refusant les chimères. Plaçons nos pas dans les siens et soyons raisonnables à notre tour.

Parce qu’il n’a joué et gagné qu’une poignée de matches depuis le mois de juillet dernier, parce qu’il est désormais acquis que son éloignement des cours va s’étaler sur près d’une année entière (il a évoqué un possible retour en novembre pour la Coupe Davis), parce qu’il va bientôt avoir 37 ans sans souffler ses bougies à Roland-Garros pour la première fois depuis 2004, parce qu’il n’a plus joué en bonne santé, à son meilleur niveau ou sans finir un tournoi à l’infirmerie depuis Indian Wells en mars 2023, parce que son corps n’en peut plus, pour toutes ces raisons, il paraît déraisonnable de croire que, même en cas de retour, Nadal redeviendra Nadal ou pourra même s’en approcher. De ce Nadal-là, il faut sans doute faire le deuil. Voilà bien l’information majeure de ses annonces de jeudi. Jusqu’à sa prise de parole, il était encore possible d’y croire. Après tout, personne ne connaissait avec précision son état. Mais en expliquant que, même après quatre mois d’absence, sa blessure n’a pas évolué comme lui et son équipe l’escomptaient, il a bouleversé la donne. Alors, oui, il ne faut jamais l’enterrer, les champions de son espèce sont capables de tout, mais il est aujourd’hui plus proche de la retraite qu’il ne l’a jamais été. Plus proche du grand départ que d’un 23e titre du Grand Chelem ou d’un 15e Roland-Garros.

L’enjeu est là désormais pour lui. Le dernier grand objectif de sa carrière, l’ultime défi, tiendra moins à d’éventuelles conquêtes qu’au fait de pouvoir choisir où, quand et comment il quittera la scène. A Roland-Garros en juin 2024 ? Au même endroit quelques semaines plus tard à l’occasion des Jeux Olympiques ? Ailleurs ? Peu importe. Mais qu’il puisse s’offrir ce luxe. « J’aimerais avoir la satisfaction personnelle de finir de la façon dont je l’aurais choisie », a-t-il dit jeudi. C’est tout ce qu’il faut lui, et nous, souhaiter. Reste à savoir si son corps lui laissera cette possibilité. S’il s’éloigne aussi longtemps des courts, s’il a couplé l’annonce de son forfait pour Roland-Garros avec celle d’une coupure nette avec le terrain ces prochains mois, c’est dans l’espoir de revenir, une dernière fois. Mais pour faire quoi ? Ce sera la dernière question qu’il lui faudra trancher. Nadal est un compétiteur, plus encore qu’un joueur. S’il a renoncé à Roland-Garros, ce n’est pas tant parce qu’il ne se sentait pas apte à jouer, mais inapte à gagner. La tournée d’adieux juste pour amuser la galerie, très peu pour lui. Qu’en sera-t-il dans quelques mois ? Dans un an ? Faut-il craindre que, s’il considère qu’il n’est pas compétitif, il s’en aille définitivement sans passer par la case des adieux ? Ce serait le scénario du pire. Une fois encore, son corps aurait choisi. Le dernier combat qu’il va mener et qu’il doit gagner est d’abord contre lui-même.

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