« La situation de détresse du handball m’a poussé à quitter la discipline »
L’ancien international, Abdelkrim Bendjemil, quitte la scène handballistique
Ancien international et icône de la petite balle, Abdelkrim Bendjemil compte plus de 150 sélections en Équipe nationale avec le brassard de capitaine, durant quatre années, mais aussi des titres, des coupes, des accessions, et de nombreuses distinctions.
Il a eu l’honneur de participer avec l’Algérie à trois Championnats du monde, de 1986 en Suisse et de 1990 en Tchécoslovaquie. Il était présent en Allemagne en 1982, mais sans y participer en raison d’une blessure. Il a également participé aux JO de Moscou en 1982 et aux JO de 1984 de Los Angeles. Sur le plan continental, il est vainqueur de cinq Championnats d’Afrique, 1981, 1983,1985, 1987 et 1989. Cela, sans compter les nombreux titres engrangés avec d’autres stars de la discipline au club du MCO, entre titres arabes, d’Afrique et nationaux. Cette star du handball national a eu l’occasion de présider le directoire de la FAHB, après le départ de Labane. Il est membre fondateur et président du club formateur CSA Handball Castors, un club qu’il quitte avec un pincement au cœur. Aujourd’hui, il est le chef d’unité de la salle omnisports du complexe olympique Hadefi-Miloud.
On a entendu dire que vous quittez le handball…
Oui, à contrecœur, car ma déception est grande eu égard à tout ce qui se passe autour de la discipline et en l’absence totale d’une bonne politique pour un renouveau. Donc, n’ayant rien vu de concret, ou du moins un brin de volonté de la part des décideurs pour nous encourager à continuer, je quitte carrément le monde du handball. D’ailleurs, les problèmes ne datent pas d’hier, ils avaient déjà commencé après la fin de la réforme sportive en 1990, quand j’ai quitté le MCO pour aller au Qatar. À cette période, la plupart des joueurs avaient quitté le MCO. Il n’y a eu donc plus aucune formation pour le remplacement des nombreux départs. Certes, une nouvelle génération a tenté de rallumer la bougie, mais tous les anciens ont été occultés et évincés. À mon retour du Qatar, on m’avait sollicité pour encadrer l’équipe du MCO, mais j’ai dû démissionner au bout de trois mois, vu le manque de moyens et l’absence de toute politique de formation.
Et concernant votre club, l’AS Castors, dont vous êtes le président et l’un des fondateurs, le quittez- vous également ?
L’AS Castors est un club créé il y a une dizaine d’années, et d’anciens handballeurs et moi-même, avons eu l’idée de créer une section handball. Peu de temps après, on m’avait élu à la tête de ce club. J’ai réussi à rassembler les anciens de la discipline pour faire de la prospection, et notre travail a débuté par la formation. Après trois années d’activité, on a construit une bonne équipe féminine, avec comme ambition d’accéder en Excellence et pourquoi pas devenir le porte-drapeau du handball féminin oranais. Mais au fil du temps, les aides se sont estompées et on a été abandonnés. Après avoir engrangé des titres et servi comme exemple durant un temps, on n’a pas pu tenir le coup en raison du manque de moyens, surtout financiers. Par conséquent, nous n’avons pas pu retenir nos filles, dont certaines sont allées vers d’autres horizons, car nous n’avions rien à leur offrir. La situation du club, déjà mauvaise, a, par la suite, empiré devenant ingérable. Donc, ne pouvant plus voir ce club, qui est en quelque sorte mon bébé, souffrir, abandonné et sous perfusion, j’ai pris la décision de démissionner et de ne pas me représenter pour un nouveau mandat, et prendre ma retraite.
Que ressentez-vous après cette décision de quitter l’AS Castors ?
C’est frustrant et désolant de quitter un club pour lequel j’ai sacrifié une partie de ma vie. Je ne cesserai de remercier tous mes collaborateurs qui avaient aussi sacrifié leur temps pour ce club. Je souhaite que ce club puisse connaître des jours meilleurs et des changements. C’est dur de continuer au regard du désintérêt pour cette discipline qui a tant donné par le passé.
Que pensez-vous du handball national en général qui peine à retrouver ses repères ?
Il ne faut pas se voiler la face, le handball national est en train d’agoniser. Le niveau de nos championnats a énormément régressé, avec des clubs qui souffrent et où la formation est absente. En somme, il n’y a plus de politique de renouveau ou de changement, on continue dans le bricolage. À mon avis, il faut une bonne décision politique des hautes instances pour une réelle amélioration. Pourtant, la pâte existe, mais il faut savoir en prendre soin et surtout il faut revenir à la formation et revoir toute la politique du handball. On n’a qu’à faire comme l’Égypte, qui a beaucoup investi, et regardez leur handball où il est maintenant, au sommet !
Le MCO, votre club de cœur, est aujourd’hui mal loti et n’arrive plus à sortir la tête de l’eau, qu’en pensez-vous ?
La situation alarmante du handball national concerne aussi le MCO, club mythique qui vit des moments très difficiles depuis des années, surtout ces dernières années où il a carrément touché le fond. La saison passée, certains anciens joueurs se sont penchés sur le club et ont réussi à le faire accéder en Excellence au forceps et contre vents et marrées. Mais cette saison, sans président, sans argent et abandonné de tous, c’est la catastrophe, il ne fait que cumuler les échecs et a même frôlé le forfait. Aussi, outre le manque de moyens, ce club ne fait même pas de formation et les meilleurs risquent d’aller vers d’autres cieux. C’est, en somme, la situation du Mouloudia d’Oran aujourd’hui. Il faut le dire, le malaise du MCO n’est pas fini et sa crise s’est durablement installée, entraînant avec elle les repères qui ont fait la force et la réputation de ce club, qui a donné tant de joies et de satisfactions durant ses heures de gloire. Le sentiment général qui se dégage de la situation actuelle est que le MCO handball a été déserté par les siens, ceux qui ont construit sa gloire au prix de maints sacrifices.
Propos recueillis par B. Sadek